COP26 – Répondre à l’urgence climatique sans laisser personne derrière

Publié le: 9 novembre 2021

par Charlotte Biddle Bocan et Gabrielle Arguin de L’R des centres de femmes du Québec, et trois autres signataires*

Les autrices s’adressent au premier ministre François Legault et aux dirigeant.es présent.es à Glasgow pour la COP26

Le retrait du Québec de l’exploitation pétrolière et gazière vous a valu une invitation à prendre la parole dans le cadre de la COP26 et nous applaudissons votre décision de rejoindre l’alliance internationale Beyond Oil and Gas Alliance. Votre ministre de l’Environnement a fait des annonces intéressantes. Nous considérons cependant que c’est insuffisant pour répondre à l’urgence climatique sans laisser personne derrière.

Il y a six ans, l’accord de Paris a reconnu la nécessité que les questions de genre et les inégalités soient sérieusement examinées dans la planification des actions climatiques. Les solutions proposées par votre gouvernement laissent de côté les personnes de plusieurs communautés vivant sur ce territoire qui non seulement jouent un rôle essentiel dans la transition écologique, mais qui sont aussi les premières touchées par les extrêmes climatiques et la perte de biodiversité. Les inégalités sociales et le respect des droits doivent être au cœur de la réflexion et de l’action, tout comme doit l’être la participation citoyenne.

Nous attendons mieux qu’un troisième lien polluant, qu’un plan vert ancré dans le béton, qu’un étalement urbain aux dépens des milieux naturels et que des cibles climatiques qui ne répondent pas au cri d’alarme des scientifiques. Non seulement ces projets peu ambitieux sont déconnectés des enjeux actuels mais, encore une fois, vous laissez plusieurs personnes de côté. Vous oubliez qu’il est nécessaire d’analyser la crise en prenant en compte les inégalités (de genre, économiques, raciales et celles liées aux situations de handicap) pour que les solutions proposées soient porteuses de justice sociale et respectueuses des droits de la personne.

Vous omettez qu’agir pour le climat exige de prendre des décisions en cohérence avec les faits : les changements climatiques et les inégalités sociales touchent particulièrement, et depuis des décennies, les femmes et les populations marginalisées.

À l’heure où nous parlons de plus en plus de la fin du monde tel que nous le connaissons, rappelons que les communautés autochtones et les communautés racisées ont souvent vu leur monde s’effondrer sous les effets du colonialisme et du racisme. En dehors des calculs d’experts, des rapports scientifiques, des mouvements écologistes et des rencontres des dirigeants sur ces questions, ces femmes et leurs communautés n’ont jamais cessé de s’organiser, de résister et de lutter au quotidien pour un environnement sain.

Pensons, par exemple, aux luttes menées par les femmes innues, par le groupe UAPASHKUSS ou par le mouvement Idle No More pour la protection des milieux naturels et des sites sacrés ainsi que leurs importantes réflexions qui condamnent nos modèles économiques destructeurs. Pensons à des organisations nouvelles et pertinentes comme BE initiative qui travaillent activement à dénoncer et trouver des solutions au racisme environnemental. Pensons aux nombreuses femmes qui ont joué un rôle actif dans la lutte contre le projet GNL Québec ou au Mur des femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux. De même, le mouvement Mères au front et le Réseau des femmes en environnement rassemblent des femmes de tous les horizons qui se battent afin de protéger l’avenir des enfants contre l’inaction climatique. Nommons aussi le travail des centres de femmes qui, depuis des décennies, créent des solidarités en travaillant à sortir les femmes de la pauvreté, à soutenir celles vivant différentes formes de violence.

M. Legault, les femmes et leurs communautés sont encore les grandes oubliées dans votre plan pour affronter la crise climatique. Il est grand temps d’arriver avec de vraies solutions qui tiennent compte des enjeux de genre !

* Cosignataires : Gabrielle Spenard-Bernier, Mères au front; Alexandra Pierre, Ligue des droits et libertés; Caroline Voyer, Réseau des femmes en environnement

Ce texte a été publité par La Presse+ le 09.11.2021.