Il faut redoubler d’ardeur contre les inégalités sociales
La pandémie actuelle place le Québec devant plusieurs crises. Elle a mis en lumière les conséquences des inégalités sociales, elles-mêmes accentuées par la crise sanitaire. Sans certaines mesures de soutien au revenu mises en place, la situation aurait été encore plus catastrophique. Alors que plusieurs organisations sociales, mais aussi certaines grandes instances internationales, appellent à une relance qui ne soit pas un retour à une normale, il faut que la relance post-pandémie soit une occasion de faire les choix qui nous mèneront à une société plus juste et plus verte. Si on ne prévoit pas dès maintenant une transition écologique basée sur le respect des droits, les changements climatiques risquent de creuser encore plus ces inégalités, menaçant du même coup notre cohésion sociale.
L’heure est donc à l’action : le Rapport sur les inégalités mondiales 2018 rappelle que «lutter contre les inégalités de revenus et de patrimoine dans le monde exige d’importants changements de politique fiscale au niveau national et mondial». Avec son document 10 milliards de dollars de solutions, la Coalition Main rouge, formée de groupes sociaux de divers horizons, démontre justement qu’il existe des façons de maîtriser les dépenses qui, couplées à un éventail de mesures fiscales bien ciblées, permettraient à Québec de percevoir, chaque année, plus de 10 milliards de dollars supplémentaires.
Alors que le ministre des Finances, Eric Girard, promet de ne pas augmenter les impôts des entreprises et des particuliers pour combler le déficit, on trouve parmi les mesures proposées par la Coalition l’augmentation du nombre de paliers d’imposition des particuliers (de 4 à 9 paliers), qui rapporterait près de 2,5 milliards annuellement. Ce sont les plus fortunés, avec un revenu imposable de plus de 100 000 $ par année, qui verraient leur impôt à payer augmenter. Cette proposition ferait bénéficier d’une baisse d’impôt 26% de contribuables avec un revenu imposable entre 50 000 $ et 100 000 $, sans modifier l’impôt à payer des 66% de contribuables qui ont un revenu imposable de moins de 50 000 $ par année. Rappelons que l’impôt progressif est un outil efficace pour combattre les inégalités, comme le confirment les économistes Zucman, Chancel, Piketty et Alvaredo. Plusieurs autres mesures sont faciles à mettre en œuvre, par exemple la révision de la rémunération des médecins, un contrôle du coût des médicaments, ou l’augmentation de la contribution fiscale des institutions financières.
Lors de la mise à jour budgétaire annoncée pour cet automne, nous devons refuser avec fermeté toute proposition de relance qui rime avec compressions budgétaires, sous-investissements dans les services publics et les programmes sociaux. Le ministre des Finances a déjà promis qu’il n’y aurait pas de compressions, mais il semble oublier que les services publics, les programmes sociaux et l’action communautaire autonome étaient déjà sous-financés. Le statu quo équivaudrait donc à de nouvelles compressions, au moment où il faut de toute urgence renforcer le filet social. Des choix difficiles, le gouvernement du Québec aura à en faire, mais ils doivent concerner des mesures destinées à aller récupérer l’argent là où il est : dans les poches des plus fortunés, dont le patrimoine s’accroît beaucoup plus rapidement que celui des ménages à revenu plus modeste. Le Québec n’a pas à choisir de financer l’une de ses missions sociales au détriment de l’autre. La relance ne doit pas investir seulement dans le béton (les infrastructures) : elle passe aussi par des investissements pour améliorer l’éducation, les services de garde éducatifs, les soins de santé et les services sociaux, ou les services aux jeunes ayant des besoins particuliers, aux personnes en situation de handicap, ou encore pour améliorer l’accès à la justice, réaliser un vrai chantier de logements sociaux, permettre aux personnes aînées de vivre dans la dignité, adopter des mesures ambitieuses de lutte contre la pauvreté et l’itinérance et une meilleure protection de la faune et de l’environnement. La relance passe aussi par une vraie reconnaissance du travail des personnes qui font vivre les services publics et de celles qui œuvrent dans les organismes communautaires partout au Québec, majoritairement des femmes dans les deux cas. Elle passe enfin par l’amorce rapide d’une transition écologique porteuse de justice sociale, basée sur le respect des droits.
Nous en avons encore les moyens, largement.
Signataires :
Élisabeth Gibeau, analyste politiques sociales et fiscales, Union des consommateurs
Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU
Jeff Begley,président, Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
Benoit Lacoursière, secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec
Diane Mercier, présidente, L’R des centres de femmes du Québec
Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN.
Alain Marois, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l’enseignement
Virginie Larivière, co-porte-parole, Collectif pour un Québec sans pauvreté
Marie-Andrée Gauthier, coordonnatrice générale, Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
Andrée Poirier, présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Christian Daigle, président général pour le Syndicat de la fonction publique et parapublique de Québec (SFPQ)
Odile Boisclair, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
Tristan Ouimet-Savard, responsable de la mobilisation, Réseau québécois de l’action communautaire autonome
Sylvie Lévesque, directrice générale, Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)
Jana Tostado de Loizaga, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ)
Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec
Hugo Valiquette, président, Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires (CTROC).
Sylvie Sarrasin, présidente, Regroupement des cuisines collectives du Québec
Chantal Desfossés, directrice générale, Réseau québécois des OSBL d’habitation.
Sylvain Lafrenière, coordonnateur du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi
Nicole Frascadore, présidente, Association de personnes retraitées de la FAE
Élisabeth Garant, directrice, Centre justice et foi
Diana Lombardi, coordonnatrice, Réseau d’action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS)
Julie Corbeil, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire (TROVEP) de Montréal.
Nancy Harvey, coordonnatrice, Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal (ROCFM)
Sarah Girard, coordonnatrice, Mouvement d’éducation populaire autonome de Lanaudière
Marc Benoît, coordonnateur, Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie (ROÉPAM)
François Duguay, Association des groupes d’éducation populaire autonome (AGÉPA) Centre-du-Québec
Rosalie Dupont, coordonnatrice, Table d’Action Contre l’Appauvrissement en Estrie
Michel Dubé, Regroupement contre l’appauvrissement Rimouski-Neigette
Richard Lépine, Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ) Vieux-Longueuil
Céline Beaulieu, co-coordonnatrice du Groupe Solidarité Justice