Le Collège des médecins refuse d’écouter les femmes
par le Regroupement Naissance-Renaissance et plusieurs organismes signataires*
« Ligotée […], isolée dans la peur et le froid et laissée à moi-même. »
« J’étais certaine qu’ils allaient me tuer. Ça fait 25 ans de ça, mais j’en pleure encore. »
« Je ne savais même pas ce qu’il faisait, mais ça m’a fait vraiment mal. »
« C’est mon corps, je suis consciente des risques possibles, laissez-moi donc choisir! »
Des témoignages comme ça, le Regroupement Naissance-Renaissance en reçoit beaucoup. C’est ce qui nous a convaincus de former la Collective du 28 mai, constituée de groupes féministes pour dénoncer ces violences. Le 28 mai dernier, nous avons lancé un appel aux témoignages dans le but de faire réaliser aux instances de santé publique la nature systémique de ces violences, loin d’être des cas isolés.
Malgré nos efforts, le Collège des médecins n’entend pas. Dans un article publié le 2 juillet dans La Presse, Yves Robert, secrétaire du Collège, réduit ces violences à ce qui serait un simple « problème de communication ». Il précise que « c’est probablement lié davantage à la communication et à l’explication de l’intervention qu’à un désir de violence ».
Le Collège des médecins, en mettant de l’avant un hypothétique problème de communication, se défausse de sa responsabilité pour la rejeter sur les victimes de violences obstétricales et gynécologiques. Plutôt que de reconnaître le vécu des femmes et des personnes, la position du Collège est de dire que les femmes qui accouchent ou les personnes qui ont besoin d’un suivi gynécologique ont simplement mal compris, mal interprété les propos du ou de la médecin. Ce déni de la parole des femmes et le renvoi à un défaut de compréhension de leur part renvoient précisément aux préjugés sexistes auxquels les femmes font face quotidiennement.
Dans le même article, le Collège des médecins parle de consentement implicite. Nous aimerions rappeler au Collège des médecins du Québec son propre code déontologique et la loi qui régit la profession de ses membres au Québec, soit que « le médecin doit, sauf urgence, avant d’entreprendre un examen, une investigation, un traitement ou une recherche, obtenir du patient ou de son représentant légal, un consentement libre et éclairé ».
Personne ne donne un consentement implicite à un médecin pour procéder à des examens physiques quelconques simplement en prenant rendez-vous. Il est clair dans les lois et les directives cliniques que chaque examen ou intervention ne peut se faire sans obtenir un consentement explicite, libre et éclairé de la part de la personne qui demande la consultation. Que le secrétaire du Collège des médecins se demande si, vraiment, c’est pertinent de demander explicitement le consentement à chaque geste posé revient à remettre en cause les lois en vigueur au Québec. C’est aberrant et très grave de la part d’une institution de cette importance.
Nous invitons donc le Collège à relire son propre document de référence sur le consentement aux soins, qui explique tout cela en 79 pages. Nous l’invitons également à revoir son principe de communication. Le 11 juin dernier, invitée par le Collège, la présidente de la Fédération des femmes du Québec a parlé de la question des violences obstétricales et gynécologiques. Aux vues des propos d’Yves Robert, l’institution s’est contentée d’une invitation de courtoisie sans rien entendre de nos revendications.
Il nous paraît évident que le Collège ne comprend pas ce qu’est une violence obstétricale ou gynécologique, et n’a pas démontré son réel désir d’être à l’écoute des femmes et des personnes utilisatrices de soins obstétricaux et gynécologiques.
Nous demandons des excuses publiques du Collège des médecins. Dire que le consentement est implicite ne suffit plus. Dire que les violences obstétricales et gynécologiques sont un problème de communication ne suffit plus. En fait, nous soutenons que de dire de telles choses n’est plus acceptable en 2019.
Nous demandons aussi au Collège des médecins d’être conséquent, et de former un comité avec différents partenaires, dont le milieu communautaire, pour imaginer des pistes de solutions afin que ces violences cessent.
Du même souffle, nous interpellons la ministre de la Santé et des Services sociaux de même que la ministre de la Justice afin qu’une enquête soit mise sur pied, qu’une réflexion soit entamée sur le sujet, et que, finalement, des données sur ces violences puissent nous guider sur les actions à prendre collectivement pour qu’enfin les femmes puissent avoir des soins de santé sans avoir peur pour leur intégrité physique.
* Cosignataires : Fédération des femmes du Québec (FFQ); Fédération québécoise pour le planning des naissances (FQPN); Centre de solidarité lesbienne (CSL); Action cancer du sein du Québec (ACSQ); Fédération des maisons d’hébergement pour femmes; L’R des centres de femmes du Québec; Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec (RTRGFQ); Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles; Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ); Vivre 100 fibromes; Réseau d’action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS); Institut de recherche et d’actions pour la santé des femmes (IRASF); Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (DAWN); Association québécoise des infirmières et infirmiers (AQII); Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF); Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ).