par Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles et co-coordonnatrice de L’R des centres de femmes du Québec, et Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

 

Monsieur Christian Dubé, ministre de la Santé,
Monsieur Luc Provençal, président de la Commission de la santé et des services sociaux,

En vertu de vos rôles respectifs dans le déroulement de l’étude détaillée du projet de loi 15, nous vous demandons de prendre tout le temps nécessaire pour procéder à l’étude détaillée de ce projet de loi. L’importance pour la population du système de santé et de services sociaux et l’ampleur des changements découlant du projet de loi 15 requièrent que son adoption se fasse selon les plus hautes normes démocratiques.

À quelques jours de la fin de la session, annoncée par le gouvernement comme étant la conclusion des travaux sur ce projet de loi, il reste plusieurs centaines d’articles à étudier, sans compter les amendements gouvernementaux qui pourraient encore être déposés. Il est manifeste que le temps manquera pour les aborder tous mais, surtout, pour les étudier avec diligence et pour les traiter dans la transparence. Conséquemment, les parlementaires membres de la commission ne pourront jouer le rôle attendu par la population.

Le projet de loi 15 compte près de 1200 articles, et le gouvernement y a déposé des centaines d’amendements, ce qui a non seulement accru la tâche des membres de la commission, mais aussi empêché la contribution d’organisations comme la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (la Table).

Par exemple, le 4 octobre dernier, des articles amendés séance tenante (numéros 435 à 450) ont été adoptés sans que la Table soit avisée — et encore moins consultée — et donc, sans que les parlementaires en connaissent les effets concrets sur les 3000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS) que nous regroupons.

Mais ce qui est encore pire, c’est que l’adoption s’est appuyée sur des informations incomplètes, voire trompeuses. Sans prêter d’intention au gouvernement, il faut préciser que les effets néfastes de ces articles sur les OCASSS n’ont pas été considérés, même s’ils nuiront à leur autonomie et vont, à terme, les empêcher d’obtenir le financement gouvernemental dont ils ont tant besoin. Qui plus est, ces articles contredisent ceux adoptés quelques semaines plus tard qui ont permis de préserver l’autonomie des organismes communautaires réalisant des interruptions volontaires de grossesse.

Il y a un mois, la Table a transmis une lettre demandant à la commission de reconsidérer l’adoption des articles 435 à 450, mais ceux-ci n’ont toujours pas été revus et le temps joue contre les OCASSS.

Cet exemple n’est sûrement pas le seul illustrant la nécessité de poursuivre l’analyse du projet de loi 15 au-delà du 8 décembre et, surtout, l’importance de ne pas bousculer le processus démocratique en invoquant le bâillon.

Paradoxalement, un amendement portant sur les droits acquis des fondations liées à des installations du réseau a été déposé par le ministre, séance tenante, le 1er décembre. Celui-ci s’est alors rapidement rallié aux demandes des membres de l’opposition quant à l’importance de consulter ces fondations afin de s’assurer que le résultat correspond à leurs attentes.

D’une part, nous aurions aimé bénéficier de la même attention. Mais d’autre part, cet exemple met en lumière le problème qui se pose lorsque les parlementaires sont devant des amendements n’ayant pas fait l’objet de consultation, ce qui est le cas ici puisque les auditions et les mémoires ont porté sur le projet de loi tel qu’il se présentait à son dépôt, en avril dernier.

Nous vous appelons à ne pas précipiter l’adoption du projet de loi 15. Il y va non seulement du bon fonctionnement du système de santé et des services sociaux, mais de la démocratie elle-même. Tous les articles et amendements d’un projet de loi doivent être analysés, ce qui nécessite des consultations adaptées à l’état actuel du projet de loi 15 et la correction des erreurs de parcours, dont celle que nous soulevons.

Cette lettre ouverte a paru dans Le Devoir du 5 décembre 2023.

Page reliée : Le projet de loi 15 devant une opposition sociale en pleine effervescence, 01.12.2023