Par le Comité de veille en avortement du Québec* de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN)

Le 28 septembre 2022 est la Journée internationale du droit à l’avortement sécurisé. Nous voulons profiter de l’occasion pour exprimer notre solidarité envers toutes les femmes qui risquent leur vie, obligées d’avorter dans des conditions non sécuritaires et ce, partout dans le monde.

Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (2022), chaque année près de la moitié de toutes les grossesses, soit 121 millions, sont des grossesses non planifiées dont 73 millions (61%) se terminent par un avortement. On estime également qu’il y a plus de 25 millions d’avortements non sécurisés, soit 45% de tous les avortements, qui sont à l’origine d’environ 40 000 à 47 000 décès annuels en plus d’entrainer l’hospitalisation de millions de femmes. Ces décès sont concentrés dans les pays à faibles revenus, plus de 60% en Afrique et 30% en Asie, parmi les personnes les plus vulnérables.

Alors que se multiplient les crises humanitaires, migratoires, économiques et de santé publique, les urgences climatiques et alimentaires, nous assistons au même moment à une recrudescence du fondamentalisme et de l’autoritarisme religieux et politique. En ces temps incertains, les droits sexuels et reproductifs des femmes mais aussi des personnes trans et non binaires sont compromis et bafoués. Il faut plus que jamais protéger et défendre les soins en santé sexuelle et reproductive dont les soins en avortement.

Plusieurs pays ont dépénalisé l’avortement au cours des dernières années, notamment la Colombie, l’Équateur, l’Irlande du Nord, le Bénin, la Nouvelle-Zélande. Mais la Pologne et, tout récemment, les États-Unis ont révoqué le droit constitutionnel à l’avortement. Ces reculs sont bien la preuve que ce droit n’est jamais acquis et qu’il faut craindre la montée des conservatismes politiques et religieux qui représentent une véritable menace pour les droits
des femmes.

Comparativement à plusieurs pays, la situation au Québec et au Canada est enviable. Depuis 1988, l’avortement est décriminalisé et n’est encadré par aucune loi. Il est pratiqué à la demande de la femme, peu importe le motif et sans limite quant au stade de grossesse. Mais l’exercice de ce droit exige l’accès à des services de qualité, gratuits et ce, partout au Québec. À ce chapitre, bien que le Québec dispose de 49 ressources en avortement, celles-ci sont très inégalement réparties sur l’ensemble du territoire, ce qui entraîne un accès inégal à l’avortement.

Ainsi, selon la région où elles habitent, les Québécoises peuvent rencontrer plusieurs obstacles pour obtenir un avortement par instrument ou par médicament : le peu de ressources disponibles, la limite du stade de grossesse pour lequel un avortement peut être pratiqué dans une ressource ou dans une région, les délais d’attente trop longs, le nombre de déplacements exigés ou encore les distances à parcourir. De plus, malgré l’abolition des restrictions du Collège des médecins du Québec, l’accès à l’avortement par médicament demeure difficile et plusieurs barrières persistent, particulièrement dans les régions éloignées des grands centres urbains.

Cette situation fait en sorte que plusieurs femmes doivent avorter en dehors de leur région, ce qui signifie s’absenter de leur travail parfois plusieurs jours, défrayer des coûts de déplacements et de séjour, et souvent avorter à un stade plus avancé qu’elles le souhaiteraient. Et que dire des femmes à statut migratoire précaire, qui ne peuvent exercer un véritable choix, soit de mener leur grossesse à terme ou d’avorter, incapables dans les deux cas de défrayer le coût des soins médicaux.

Dans un système de santé en crise, sous-financé et aux prises avec une grave pénurie de main d’œuvre, il est plus nécessaire que jamais de veiller à la qualité et à l’accès aux services. L’avortement est fréquent dans la vie reproductive des femmes et un acte médical simple, sécuritaire. Il faut briser le silence, défaire les tabous et mettre fin à la honte. L’avortement est une décision parfois difficile mais prise par des femmes responsables, respectueuses de la vie.

Nous sommes solidaires des femmes du monde entier qui risquent leur vie pour mettre fin à une grossesse non planifiée.

Nous sommes solidaires de toutes les militantes et leurs alliés qui risquent l’emprisonnement et même leur vie pour défendre le droit à l’avortement et à des soins de santé sécuritaires.

> Cette déclaration est aussi offerte en format PDF.

*L’R des centres de femmes du Québec et le Centre de santé des femmes de la Mauricie font partie du Comité de veille en avortement du Québec.